Voici l'histoire et
le témoignage de Dominique Henry qui refuse d'être fichée avec les criminels
pour son action de lanceuse d'alerte.
Pour commencer un
extrait d'article de France info- Franche Comté évoquant son procès tenu le 12 janvier 2017 suivi par
son témoignage.
La militante Dominique Henry très soutenue pour son audience au tribunal
Dominique Henry, agricultrice du Haut-Doubs
retraitée, était convoquée ce jeudi au tribunal correctionnel de Montbéliard
pour refus de donner son ADN. La militante est impliquée dans le démontage de
la ferme des mille vaches en 2014 dans la Somme. Un comité de soutien s'est
constitué autour d'elle.
Par Florence Cicolella
"Syndicalistes,
parlementaires, membres d'associations ou simples citoyens, ils sont nombreux à
soutenir Dominique Henry. Réunis au centre social Jules Verne de Montbéliard
puis en cortège vers la cité judiciaire, ils plaident pour la militante de la
confédération paysanne, devenue en Franche-Comté le symbole de la lutte pour
une agriculture respectueuse de l'environnement, des bêtes et des hommes.
En mai 2014, cette agricultrice de Grand' Combe-des-bois, dans le Haut-Doubs,
aujourd'hui à la retraite, participe au démontage de la ferme des mille vaches
dans la Somme. Une action non violente mais illégale. La justice la condamne à
quatre mois de prison avec sursis, transformés en 2015 en 3 000 € avec sursis.
Dominique Henry obtient même avec ses trois camarades le statut de
"lanceur d'alerte".
Mais la justice veut prélever son ADN pour l'inscrire dans un fichier national.
Dominique Henry refuse. Les gendarmes du Russey reviennent à la charge en mai
dernier. Mais rien à faire, la militante ne veut pas figurer aux côtés des
criminels et délinquants, et ce pour les quarante années à venir. "Il
s'agit d'une action syndicale assumée, pour le bien commun, qui ne justifie pas
un fichage national. Cela rappelle les heures les plus sombres de notre
histoire", s'explique Dominique Henry.
C'est la position qu'elle a défendu à 14 h devant le tribunal correctionnel de
Montbéliard. La Procureur a réclamé 1 000 € d'amende pour cette
infraction, refus de se soumettre à un prélèvement biologique. La décision a
été mise en délibéré au 19 janvier."
Exposé
des faits...
Dominique Henry était l'une des cinq gardés à vue suite à l'action de l'usine
des 1000 vaches, elle nous livre son témoignage.
Quand j'ai entendu parler de cette action à l'usine des 1000 vaches, je n'ai
pas hésité. Cet endroit où 1000 vaches et 750 veaux et génisses seront enfermés
en permanence me donne la nausée...
Dominique Henry à sa sortie de garde à vue :
Le projet imaginé par M. Ramery ( entrepreneur en BTP déjà patron de
3500 salariés) prévoit de produire de l'électricité à partir d'un immense
méthaniseur alimenté par le lisier, le fumier, des résidus de céréales et
autres végétaux. Le méthane libéré par la fermentation alimente un générateur
électrique d'une puissance équivalente à 25 éoliennes. Le courant sera racheté
par EDF. Encouragé par les primes, le méthane agricole est un nouvel
agro-business. Le lait n'est qu'un sous-produit du lisier, du lait low cost,
vendu à moins 20% du prix du marché.
Un projet démesuré, aux conséquences environnementales et sociales
inadmissibles, pour le profit d'une seule personne ( M. Ramery fait partie des
350 personnes les plus riches de France ). Antidémocratique. Le maire de
Drucat, le village concerné, est contre ; les villageois ont monté une
association pour défendre leur cadre de vie (Novissen). Les villageois ne
peuvent se faire entendre ; les agriculteurs, prônant une agriculture paysanne
créatrice d'emplois et fournissant des produits de qualité, sont mis au
rebut. Il est temps de provoquer un
débat public sur l'orientation de l'agriculture dans notre pays. Action.
Mercredi 28 mai au petit matin, nous sommes une soixantaine motivés à nous
approcher des immenses bâtiments. Démonter, dévisser, déboulonner, ne rien
casser bien sûr. Tout reste sur place sauf une partie du matériel qui doit être
remis à Stéphane Le Foll qui déjeune le jour même à la Villette (Paris) avec
Ségolène Royal. Un groupe part assez rapidement dans ce but.
Un ouvrier arrive, agressif. Bien sûr, c'est son outil de travail. Certains
essaient en vain de discuter. Les journalistes arrivent, plusieurs d'entre nous
sont interviewés. Les forces de l'ordre ne tardent pas et vont directement vers
4 personnes pour relever leur identité. Tous les militants présents s'étonnent
et donnent leur carte d'identité, pour cette action revendiquée collectivement.
Dès que tous les journalistes attendus sont venus, nous décidons de lever le
camp. En arrivant aux véhicules on aperçoit les fourgons qui déchargent les
CRS. J'ai à peine le temps de comprendre qu'ils sont sur moi pour m'embarquer.
Des militants s'interposent, montrent leurs outils, demandent à être arrêtés
mais rien n'y fait. Je me retrouve embarquée avec 3 gendarmes dans un fourgon
qui roule à vive allure vers Hallencourt. Le temps est suspendu.
9H30. Je suis placée en garde à vue. Interrogatoire : qu'est-ce que je faisais
là ? Dans quel but ? Comment ? Etc, etc....une seule réponse : le silence !
L'adjudant tape plein de choses sur son ordi, me réinterroge, retape ….vu mon
refus de répondre, les questions se font plus rares.
12H. Je demande si j'ai le droit de manger, ce n'est visiblement pas prévu,
j'ai quand même droit à une barquette réchauffée d'une bouillie indéfinissable.
Pour les toilettes je suis accompagnée, porte ouverte, super !
13H. Transfert à Abbeville à un train d'enfer avec 3 gendarmes. J'aperçois
quelques manifestants à l'arrivée de la gendarmerie, ça réchauffe le cœur. Je
ne sais pas combien ont été arrêtés.
L'interrogatoire recommence. On me dit que si je ne dis rien la garde à vue va
durer. On me laisse mon sac pour l'instant, je peux dessiner entre les
questions.
Je peux voir mon avocat. Il m'explique que la garde à vue peut durer 24 h. Je
commence à comprendre que je dois m'armer de patience.
18H. On m'emmène à une confrontation avec un ouvrier du site qui a photographié
4 personnes en action. C'est comme ça qu'ils ont choisi.
19H30. Convocation devant le substitut du procureur qui me reproche dégradation
et vol en réunion. Ma garde à vue est prolongée jusqu'à 9h30 le jeudi.
On me transfère à Hallencourt pour la nuit. On m'ouvre la porte d'un « cachot »
(comment appeler ça autrement?) où je réalise que je vais devoir passer la
nuit. Un sommier en béton, un « matelas » en plastique de 5 cm d'épaisseur, des
couvertures de l'armée, un trou au fond pour les besoins (sans chasse d'eau).
On me retire toutes mes affaires. On m'explique que je pourrais me suicider ;
j'ai beau expliquer que je ne suis pas du tout suicidaire, que j'ai 4 enfants
et 6 petits-enfants, rien n'y fait. Quand la lourde porte se referme sur moi
(combien de verrous ? 4 au moins) je suis sous le choc. Je ressens une telle
inhumanité. J'aime écrire, lire, mais on ne me laisse rien. Je suis face à 4
murs sales et à un trou. J'ai quelques instants le sentiment que je ne suis
plus rien. Il ne s'agit pas seulement de privation de liberté, c'est autre
chose ; dans quel but agissent-ils ainsi ? Je pleure un bon coup puis je
m'organise pour gérer mon temps : quelques mouvements de yoga, que passer en
revue dans ma tête pour que ce temps se déroule au mieux. Je réussis à dormir.
Le lendemain matin je demande à faire ma toilette ; ce n'est visiblement pas
prévu non plus, on me trouve 2
lingettes minuscules. Pas d'eau.
Jeudi 29 mai 9h. Retransfert à Abbeville. Je comprends que la garde à vue est
prolongée de 24h. Je suis blasée. Mais les manifestants sont là, je les entends
et je les aperçois même par la fenêtre, ça fait vraiment chaud au cœur. Ils ne
désarment pas. Je vois sur les journaux laissés sur le bureau que le
porte-parole de la Conf a été arrêté en revenant pour nous
soutenir.(J'apprendrai plus tard comment il a été plaqué au sol par les gardes
du corps de M. Le Foll et la violence de son arrestation ). Les médias sont
bien présents. Entre les questions je dessine : notre ferme, les champs, les
vaches, chacune avec son nom et son caractère. Les militants me font porter des
sandwichs, trop bien.
Puis c'est la douche froide : ils parlent de me remettre en cellule
d'isolement. Je me jette sur la fenêtre et je hurle qu'on va m'enfermer. Les
potes en-dessous font le bazar. Ils me ramènent dans ce cachot, je vois les
militants postés à la grille. Courage ! 4 heures dans ce cachot, avec rien,
enfermée par 2 gendarmes qui ont l'âge de mes enfants. On ne me laisse pas un
gobelet d'eau sous prétexte que je pourrais le découper et l'avaler …? ils
disent qu'ils ne sont pas psychologues, dommage. Je vais chanter, ma France de
Ferrat, des chansons d'amour et de lutte, ça résonne pas si mal ; le temps
passe.
Retransfert. Je demande à voir mon avocat qui m'annonce que je serai présentée
au juge d'Amiens le lendemain.
Le retour en cellule est une horreur. Je sais que ça ne durera pas, que ce
n'est rien comparé à d'autres. Ma tête raisonne mais les larmes coulent toutes
seules Je réussis à gérer. Je m'endors mais un abruti me réveille en pleine
nuit pour savoir si je vis toujours.
Vendredi 30 mai. Transfert à Amiens. Avant de partir j'offre à certains
gendarmes mes dessins, ils ne paraissent pas insensibles. Je comprends qu'on va
me menotter. Ils sont sur les dents. Départ donc menottée encadrée de 3
gendarmes armés jusqu'aux dents avec des gilets pare-balles. On part en convoi,
sirènes hurlantes, avec 2 motards qui ouvrent la route, ils ont ordre de ne pas
s'arrêter. Que doivent penser les personnes qu'on croise ? Que j'ai commis un
infanticide ou découpé mon amant en morceaux ? J'essaie d'avoir de l'humour
pour prendre du recul !
Arrivée à Amiens je vois mes potes et je lève les poignets dans leur direction
; on me tire à une telle allure dans le palais de justice que je manque tomber
à terre. On attend les 5 dans des « cages ». Les gendarmes se marrent entre
eux. Je chante.
Verdict : je suis placée sous contrôle judiciaire jusqu'au procès qui doit
avoir lieu le 1er juillet avec interdiction de rencontrer mes «complices »
sinon c'est la prison immédiatement m'a dit le juge. En clair on nous empêche
de préparer notre défense ensemble. Ils ne connaissent pas (et n'aiment pas)
l'action collective.
Ainsi l'objectif est clair :
- faire passer individuellement les 5 personnes interpellées pour de dangereux
illuminés
- éviter tout débat démocratique et museler les opposants au projet
- orienter l'agriculture vers une industrialisation avec des coûts les plus bas
possible
Des campagnes vidées de leurs paysans, sans vaches dans les champs, parsemées
de grands bâtiments-usines ! Des scandales sanitaires à répétition, l'eau et le
sol irrémédiablement pollués ! (comme c'est le cas pour les rivières de
Franche-Comté)
Mais attention : trop de citoyens conscients vivent dans les campagnes pour
qu'un tel projet passe. On est bien dans une action collective et pour un
enfermé 10 le remplacent.
Que faire ?
- vous pouvez diffuser mon témoignage dans vos réseaux
- adhérez à Novissen, aux amis de la Conf
- vous pouvez envoyer un soutien financier à la Conf pour payer le procès
Gardez votre liberté de penser et d'agir sans vous laisser influencer par les
médias dominants. Il faut s'informer au quotidien dès que l'on consomme. On est
tous citoyens du monde et responsables !
Dominique Henry
Institutrice et paysanne en retraite
Voilà la pétition de soutien à Dominique Henry qui a refusé un
prélèvement ADN.
Merci de signer massivement si vous êtes éco-responsables et pour le
droit de protestation.
http://www.petitionpublique.fr/PeticaoVer.aspx?pi=SDH2017