L'installation de nombreux data centers en Seine Saint Denis provoque depuis plusieurs mois une polémique, en particulier à Plaine Commune, ou leur prolifération risque de poser des problèmes.
Cet article résume la situation et vous propose quelques pistes de réflexion.
Bondy Écologie
La
« révolution » du Big Data (les Méga Données) est en route, mais pour
quelle révolution ?
Internet
n’est pas que «virtuel », il a un coût énergétique et
environnemental : son usage
représente 2 % des émissions mondiales de CO2 (autant que l’aviation civile).
En France, l’utilisation du Web représente 9,5 % de la consommation électrique
nationale.
Les réseaux de
télécommunications, les connexions d’ordinateurs, portables, tablettes…sont
plus efficients technologiquement et moins polluants d’année en année, mais le
nombre des utilisateurs croît et l’échange de données augmente
inexorablement.
Ces
évolutions ont entraîné réflexions et débats, notamment au sein de la
Communauté de communes Plaine Commune (autour de Saint Denis), avec
l’implantation sur son territoire de nombreux data centers (centres de
données). L’écologiste Michel Bourgain (maire de l’Ile Saint Denis) a
présenté un audit sur ce sujet en sa qualité de vice- président à
l’écologie urbaine de Plaine Commune.
Je
résume ci dessous les principales constatations et interrogations de cet
audit :
_ Les data centers stockent les données
numériques, données en forte
croissance avec l’usage du « cloud computing » (le stockage des
données des internautes sur les disques durs communs des centres). Il existe 14 centres (et 3 sont en projet) sur le
territoire de Plaine Commune, soit la moitié des implantations franciliennes.
Ils sont composés de bureaux, d’équipements électroniques (serveurs…) et peuvent
être dédiés à un seul client (par ex. Amazon) ou être loués à plusieurs.
Leur développement en Seine Saint Denis
s’explique essentiellement par des terrains disponibles à des prix plus bas
qu’à Paris, par l’existence d’un réseau de télécommunications de qualité, dont
des opérateurs de fibre optique.
_ La consommation d’électricité des data
centers est très importante. Les
appareils, toujours allumés, n’utilisent le plus souvent que 10 % de leur
capacité et les data centers sur-dimensionnent de 30 à 50 % leurs besoins de
puissance pour avoir une réserve de secours. Ainsi on estime que les 14 centres consomment l’équivalent d’une ville
de 250 000 habitants et que les centres de données du monde utilisent
chaque année l’équivalant de la production de 30 centrales nucléaires. En Ile
de France l’implantation annoncée de
nouveaux centres de données s’accompagnera d’une multiplication par 7 de leur
puissance électrique en 5 ans ; les équipements électriques nécessaires
pour couvrir ces nouveaux besoins restant à la charge d’ERDF. Ajoutons que les
data centers possèdent tous, en cas de défaillance du réseau, des groupes
électrogènes au fuel stocké en cuves enterrées.
_ Les équipements
électroniques des centres doivent être refroidis en permanence (à 21 degrés) et
la
chaleur est rejetée à l’extérieur des bâtiments.
_ Les emplois directs créés
par les centres de données sont très limités. Sur une surface équivalente, une
PME/PMI en génère bien davantage.
_ La réforme de la taxe professionnelle, depuis
2010, a fortement réduit les recettes fiscales générées par les data centers
car ils sont définis par les services des impôts comme des entrepôts classiques
et imposés comme tels, soit moins que si on prenait en compte la technologie
des services utilisés.
La
question des centres de données a entraîné une réflexion des écologistes du département
qui vont faire des propositions pour :
- Interpeller
l’Etat et les parlementaires pour obtenir une fiscalité plus juste des data
centers.
- Limiter
leur consommation énergétique, par ex avec un refroidissement à 25 degrés au
lieu de 21 ? Et privilégier les énergies renouvelables.
- Récupérer
et valoriser la chaleur (création d’un réseau de chaleur urbain avec des
collectivités, des aménageurs ; regrouper les centres futurs sur un même
espace et préférer la verticalité…).
L’internaute
écocitoyen peut déjà s’imprégner de quelques bons gestes pour limiter ses
émissions de CO2 : supprimer
régulièrement les courriels stockés ; préférer l’envoi d’e-mails groupés
si possible ; compresser ses pièces jointes ; conserver de préférence
ses documents et images sur des disques durs externes personnels….
Notons
que les besoins augmentent mais que le stockage de données coûte de moins en
moins cher et que les constructeurs de composants eux-mêmes sont engagés dans
la réduction de la consommation électrique : avec des puces de processeurs
de plus en plus finement gravées qui chauffent moins et consomment moins pour
une puissance pourtant décuplée.
Ces considérations à propos
des data centers nous renvoient à des questions plus vastes : Internet est
il bon pour la planète ? Peut il permettre une civilisation techniquement
soutenable ? ….
Les
hautes technologies utilisent des
ressources rares, pas ou peu recyclables (terres rares, titane…) et les grandes
sociétés poussent à la fabrication d’objets à l’obsolescence programmée ou trop
vite dépassés ; cette fuite en avant (attendue et encouragée par bien des
consommateurs) s’accompagne d’une raréfaction des ressources, de la pollution
des sols, des eaux, de l’air, avec des évolutions préoccupantes liées au
réchauffement climatique.
A
ce sujet, la puissance du Big Data avec sa masse astronomique de données
numériques et de mesures mises notamment au service du Climate Data, peut elle
suffire à limiter le réchauffement climatique ? C’est un outil technologique
extraordinaire scrutant les évolutions du climat de la Terre pour mieux
connaître, comprendre et décider, certes, mais tout dépendra, comme toujours,
de son usage : Monsanto et les spéculateurs du « risque
agricole » savent aussi se servir de ces données pour leur profit et non
celui des habitants de la planète !
L’urgence
serait de changer de modèle énergétique : sobriété, efficacité, renouvelables,
recyclage…avec un Big Data au service d’un développement soutenable : pour
une vraie révolution !
A. T.
(Librement
inspiré du compte rendu d’EELV 93 et d’articles du Monde, de Libération, de
Géo.)
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