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dimanche 3 décembre 2023

Des plantes sauvages en ville, importunes ou necessaires ?

Arguments pour répondre à la question : Des plantes sauvages en ville...pourquoi ?

 

Cymbalaire (Cymbalaria muralis)

Invités, par l'association Bondy Autrement, pour donner notre avis et nos propositions à propos des "plantes sauvages" de nos rues, voici notre intervention du 24 novembre 2023.

Pour rappel : Depuis le 1er janvier 2017, les collectivités ne peuvent plus utiliser des pesticides pour l’entretien de leurs espaces verts. Pour les particuliers, c’est depuis le 1er janvier 2019 que leur achat, leur détention et leur utilisation sont interdits

 Les connaissances sur les effets néfastes de ces molécules sur la santé humaine se renforcent chaque année, comme en attestent plusieurs expertises collectives (notamment celles de l’Inserm et de l’INRAE/IFREMER). Selon l’OMS, il y aurait chaque année dans le monde 1 million d’empoisonnements graves dus aux pesticides et environ 220 000 décès.

D’après certaines études scientifiques, l’exposition aux pesticides peut entraîner plus de risques de développer la maladie de Parkinson et d’Alzheimer. Elle entraîne aussi des risques accrus de lymphome, de tumeur cérébrale, de cancer hormonaux-dépendant (sein, prostate…), etc.(Sources brochure de Générations futures)En parallèle, une étude du CNRS a démontré que l’utilisation de pesticides est la principale cause de la disparition de 800 millions d’oiseaux depuis 40 ans sur le continent européen, dont près de 60 % d’espèces inféodées aux milieux agricoles.  Pour les insectes c'est encore pire. Arrêter d’utiliser les produits phytosanitaires est une chose, en accepter les conséquences en est une autre. Devant ces zones d’apparence abandonnée, de nombreux habitants des quartiers concernés ont l’impression d’être délaissés par la ville

C'est, semble-t-il le cas de certaines ou certains d'entre vous

Vous n'êtes pas les premiers à vous interroger. Prenons l'exemple de la ville de Rennes. Peu après le lancement du projet “zéro phyto”, en 2003, la ville de Rennes a lancé une étude sur la perception des plantes spontanées, partant du principe que le problème à résoudre n’était pas seulement de nature technique mais plutôt de l’ordre des représentations des espaces et de leur perception. Marie-Jo Menozzi, une sociologue, était chargée de l’enquête.
« À l’époque, “zéro phyto” était à l’essai dans 2 quartiers (de la Touche et de Bourg-l’Évêque) », se souvient-elle. Elle interroge les habitants sur leur ressenti à partir de photographies de pieds d’arbres et d’espaces verts où des “mauvaises herbes” poussent. Beaucoup perçoivent l’endroit comme négligé et sale, ces herbes ne sont pas jugées être à leur place, même si certains apprécient le côté sauvage. Selon la sociologue, ces réactions s’expliquent par notre relation à la nature. « La nature est tout ce qui est spontané, sans intervention de l’homme », rappelle-t-elle. Trop de spontanéité dans l’espace peut entraîner la peur de perdre la maîtrise de son environnement ou, au contraire, plaire.

Une impression d’abandon

Devant ces zones d’apparence abandonnée, les habitants des quartiers concernés réagissent. Résultat : au début la direction des jardins est submergée par des centaines de lettres de protestation !

Le changement n’est pas facile non plus pour les employés des espaces verts, dont certains ont l’impression de ne pas avoir fait leur travail quand ils repartent en laissant des plantes derrière eux. Autre frein, l’association des pesticides avec le progrès qui est une image largement véhiculée par les industriels du milieu. Les techniques alternatives, comme l’arrachage à la main sont alors vues comme une régression : « On ne va pas revenir à l’âge de pierre ! », auraient réagi certains passants.

La notion de propre évolue

Depuis, le message de la ville, porté à travers des réunions et des dépliants, semble avoir été entendu. C’est l’une des conclusions de l’étude débutée en 2008 par Jean-Michel Le Bot, sociologue à l’Université Rennes 2. Lors d’un projet de recherche sur les trames vertes urbaines, 96 promeneurs ont été interrogés dans les parcs des agglomérations de Rennes, Nantes et Angers. Des photographies de pieds d’arbres à l’aspect plus ou moins sauvage leur ont été présentées. La préférence est allée aux pieds jardinés ou avec des plantes spontanées. Seuls 19% des personnes interrogées ont préféré le pied avec un grillage, sans aucune flore. Un indice que les habitants s’habituent à la présence de plantes aux pieds des arbres : celle-ci est moins bien acceptée à Angers, où la diminution de l’emploi des produits phytosanitaires a été plus tardive. « Le désir de propreté est toujours présent, mais sa notion évolue, estime Jean-Michel Le Bot. Les “mauvaises herbes” ne sont plus considérées comme quelque chose de sale, tandis que la non-utilisation de pesticides devient synonyme de propre. » Aujourd’hui, la direction des jardins reçoit beaucoup moins de courriers au sujet des mauvaises herbes...

Pour ne pas avoir à les désherber, il vaut mieux les embellir

Une violette


Il suffit de quelques très petits pieds de fleurs ou graines de plantes rustiques pour métamorphoser le seuil d’une  maison ou une partie de notre trottoir. Initiée dans plusieurs pays du nord de l’Europe, tels les Pays-Bas et l’Allemagne, mais aussi outre-Atlantique, dans plusieurs grandes villes des États-Unis, la végétalisation des trottoirs est aujourd’hui une action proposée par un grand nombre de collectivités en France. Soucieuses de conjuguer l’urbanisation et la nature, ces petites communes ou grandes villes offrent la possibilité aux habitants de s’approprier l’espace public pour jardiner. Les habitants deviennent ainsi des acteurs impliqués dans l’embellissement de leur rue, de leur cadre de vie, en complémentarité avec les aménagements publics. Ainsi en vous promenant à Lille, Paris, Rennes ou encore Angers, vous pourrez profiter de ces mini-jardins de trottoirs, aussi divers que variés. La mise en place de gestion différenciée par les collectivités, permet à la végétation spontanée de reprendre peu à peu sa place en milieu urbanisé, entraînant ainsi un enrichissement de la flore et de la faune

Plante échappée d'un jardin qui décore agréablement le trottoir
 

A Bondy, il y a plus de 10 ans le CCQ du Mainguy  avait lancé des opérations de plantation au pied des arbres. Cette initiative avait été reprise officiellement par la mairie par l'ancienne équipe et poursuivie depuis (semble-t-il ??), quelques réalisations pour retirer du bitume sont louables (devant la médiathèque par exemple, seul bémol, l'éclairage nocturne inutile et énergivore et nocif pour la faune nocturne)

Plantation par un riverain au pied d'un arbre

 

Changeons notre regard, ouvrons nos yeux ! Laissons nos spontanées pousser et coloniser nos cours d’immeubles et nos jardins, les volubiles grimper sur nos murs et nos balcons…

Voici quelques avantages

1) Apporter de la biodiversité dans nos rues

Le maintien de la biodiversité ne concerne pas seulement les réserves et les parcs naturels. Les surfaces des jardins de particuliers représentent un million d’hectares contre 350 000 pour les réserves naturelles. Nous, particuliers et collectivités, avons donc un rôle important à jouer. Cette nature, dite ordinaire, est essentielle et contribue intégralement au bon fonctionnement des écosystèmes.  L’enjeu de sa préservation et de son développement est un gage d’équilibre pour nous et pour les générations à venir.

Les végétaux sont à la base des chaînes alimentaires. Ainsi en accueillant des plantes sur le trottoir, c’est aussi toute une petite faune qui apparaîtra (abeilles, papillons, coccinelles...), entraînant ensuite l’arrivée de leurs prédateurs (oiseaux, mammifères...). Le trottoir devient alors un lieu de vie, un "micro-habitat", répondant aux besoins alimentaires de tous ces animaux

2) Pour réguler les températures et la pollution

En période estivale, la réverbération sur des matériaux urbains (ciment, béton, asphalte, dalles...) contribue à augmenter les températures. L’installation des végétaux sur les murs des façades permet de réduire considérablement la réverbération. De plus, le feuillage des végétaux maintient un certain taux d’humidité, et rafraîchit l’air. Des études montrent que, en période estivale, les températures urbaines sont supérieures d’au moins 5°C par rapport aux zones environnantes, ce que l’on appelle l’effet d’îlot de chaleur urbain. Outre les fortes chaleurs, la pollution de l’air est un problème important surtout dans les grandes agglomérations. Les végétaux ont la particularité de pouvoir fixer les poussières atmosphériques en les piégeant à la surface de leurs feuilles et de concentrer dans leurs tissus certains polluants. Ils peuvent également stocker du carbone émis par les gaz d’échappement.

3) Pour limiter l’imperméabilité des sols !

L’imperméabilisation des surfaces engendre un ruissellement important de l’eau de pluie. Les systèmes de gestion des eaux débordent souvent. Sur les surfaces végétalisées, l’eau de pluie est absorbée par le substrat, son écoulement est également ralenti par les feuilles des plantes sur les bâtiments. Les racines, les tiges et les feuilles de ces plantes vont aussi capter et stocker les polluants contenus dans l’eau. La qualité de l’eau qui rejoint les cours d’eau s’en trouve alors améliorée.

Le sol est à l’origine du monde, car il le porte, le nourrit ,et le protège. Il est construit par sa biodiversité, qui représente 25 % des espèces connues. Il fourmille d’animaux  et de microbes qui vivent et se nourrissent de façons très variées : cette diversité assure tout simplement…..le fonctionnement des écosystèmes terrestres. Le sol fait aussi la fertilité des océans, régule le cours des rivières et modifie le climat. C’est une puissante et étonnante construction du monde vivant. Hélas ! Méconnaissant le sol, qui nous paraît opaque et sale, nous l’avons endommagé depuis des millénaires. Urbanisation, agricultures inadaptées ? Salinisation, pollution…..l’empêchent d’assurer ses services inestimables et il disparaît sous nos yeux par érosion. Une équipe de microbiologiste au sein du laboratoire LAMS (Laboratoire d’analyse microbiologique des sols ) nous alerte sur les sols qui se dégradent très vite avec les traitements chimiques à répétition. Le taux de matière organique diminue, la microfaune n’a plus rien à manger et meurt. Or c’est elle qui remonte la magnésie, la potasse ou le calcium, les éléments nutritifs du sol, donc des plantes. Le sol est composé par sa faune et par ses champignons, soit deux-tiers de sa microflore. Ils font l’humus (dont le taux est passé de 4 à 2  % en 30 ans) et attaquent la lignine, la molécule la plus synthétisée par les plantes. La chimie du sol se dégrade à son tour, les argiles ne sont plus attachées et c’est l’érosion, les sols partent dans les cours d’eau, puis vers la mer. C’est perdu.

Les questions que vous pouvez vous poser

Les végétaux amènent de l’humidité ?

Au contraire, l’eau sera absorbée par les végétaux installés. D’autant que beaucoup de revêtements de façade, tel le ciment, emprisonne l’eau dans les murs, les végétaux contribuent donc à assainir les maisons. Le feuillage des plantes assure en plus une protection contre les pluies battantes.

 

Les plantes nécessitent beaucoup d’entretien...

Un entretien régulier s’avère plus efficace et moins chronophage. L’espace étant limité, l’entretien le sera aussi. Par ailleurs, les plantes locales sont adaptées à nos sols et nos climats, et donc moins fragiles que les espèces exotiques.

Les plantes abîment-elles les murs ?Il faut bien choisir les végétaux. Certaines plantes grimpantes ont besoin de support, et de ce fait ne touchent pas les murs.  Par ailleurs, certaines plantes aux racines incrustantes (ex. lierre) n’abîment le mur que s’il est en mauvais état ou en matière naturelle (terre, chaux).

Les petites bêtes seront attirées Certainement, mais elles attireront aussi leurs prédateurs. Et cette présence contribue au retour de la nature, en créant des micro-habitats.

Exemple : chaque espèce de papillon est dépendante d'une plante, les chenilles du Machaon par exemple se trouvent sur le fenouil, les mésanges, elles, se nourrissent de chenilles....

Chenille de Machaon sur un fenouil

 

Toutes les photos de fleurs ont été prisent dans les rues de Bondy

 Pour aller plus loin :

Découvert (après notre intervention) à la médiathèque de Bondy

 

Livres de botanique

Sauvages de ma rue : Pour déterminer facilement les plantes les plus fréquentes rencontrées sur les trottoirs

Voir aussi les sites de Vigie Nature et Vigie Nature École

 

Flore des friches urbaines : Plus complet que le précédent (258 espèces décrites) ce livre ravira les passionné-e-s de botanique.


 

 

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